Découvrir la Suisse autrement

Agathe – Peter Stamm

Quatrième de couverture

« Dans la salle de lecture surchauffée de la bibliothèque municipale, ils ont échangé leurs premiers regards. Puis, autour d’un café, leurs premiers mots. II est suisse et fait des recherches sur les wagons de luxe américains. Elle est américaine, étudiante en physique et rédige sa thèse de doctorat. Ils dînent ensemble, partent en excursion dans les forêts environnantes, visitent les musées. Un jour, Agnès lui demande d’écrire un portrait d’elle. Soir après soir, il se prête à ce qui n’est au début qu’un jeu. Mais, peu à peu, leur vie se conforme aux aléas du récit, au risque que celui-ci prenne le pas sur la réalité. »

Présentation

Le nouveau livre de Peter Stamm « L’un l’autre » est sorti cet été, mais avant de le lire, j’avais très envie de découvrir cet auteur suisse allemand en lisant son premier livre « Agnès », paru en 1998. Et j’ai bien fait, car j’ai beaucoup aimé ce court roman.

Dès les premières pages, dès la première ligne même, le ton est donné : Agnès est morte. Une histoire l’a tuée. 

Le personnage principal de cette histoire d’amour n’est plus et Peter Stamm nous brode sa rencontre avec celle du narrateur, leur histoire, et leur rupture aussi, au travers de courts chapitres et d’une écriture claire et limpide, sans fioritures. C’est simple : Elle, est étudiante et rédige son doctorat, tandis que lui, fait des recherches pour un livre. Une rencontre à la bibliothèque et ils tombent follement amoureux. Une histoire simple, évidente. Mais c’est sans compter sur le fait que le narrateur est également écrivain. Ainsi, commence un jeu. Agnès lui demande d’écrire leur histoire et de lui raconter ce qu’il imagine. Au début, ce n’est qu’un jeu, jusqu’à ce que le récit dépasse l’imagination et devienne alors leur réalité…

« A l’histoire d’Agnès également je ne travaillais pratiquement plus. Parfois nous jouions encore au jeu du fameux soir alors j’écrivais quelques scènes à l’ordinateur et disais à Agnès ce qu’elle devait faire et jouais moi-même mon propre rôle. Nous portions les mêmes vêtements que dans l’histoire, faisions comme mes personnages une promenade au zoo ou bien allions au musée. Mais nous étions de piètres comédiens et notre vie uniforme ne se prêtait aucunement à être décrite.

– Il faut qu’il se passe quelque chose afin que l’histoire devienne plus intéressante, dis-je finalement à Agnès.

– N’es-tu pas heureux de la façon dont nous vivons ?

– Si, dis-je, mais le bonheur ne fait pas d’histoires. On ne peut pas décrire le bonheur. C’est comme la brume, comme la fumée, transparent et fuyant, As-tu déjà vu un peintre capable de peindre de la fumée ? »

« Le bonheur ne fait pas d’histoires ». Cette phrase résume à elle seule le roman. A priori une belle histoire d’amour sans encombre, du bonheur et de la joie. Et finalement, en découle une tristesse, des difficultés et de la douleur. Car il n’est pas simple de relier deux êtres ensemble. C’est ce que l’auteur veut nous montrer, notamment avec les personnalités très différentes du narrateur et d’Agnès. Elle, légère et rêveuse, tandis que lui est plus terre à terre, solitaire. Ils n’ont pas l’air d’avoir de passions communes, si ce n’est de s’être rencontrés à un moment précis de leur vie et d’être tombés amoureux. Toutefois, leur cocon douillet s’écroule lorsqu’Agnès lui apprend qu’elle est enceinte et qu’elle aimerait garder l’enfant. Lui, s’y oppose et créé alors une déchirure entre eux. Déchirure qui apparaît au milieu du livre et qui amorce ainsi la chute de l’histoire. Cet enfant devient alors le pilier central du narrateur. Ce qui aurait pu, de prime abord, les rapprocher dans leur histoire, c’est ce qui va finalement les éloigner et conduire à l’écriture du destin d’Agnès par l’écrivain. Et toute cette histoire nous est racontée du point de vue du jeune homme, ce narrateur qui écrit l’histoire, qui mélange ses souvenirs avec ses écrits sur Agnès. Les phrases sont courtes et directes, nous plongeant ainsi dans les doutes qui l’assaillent. Des mots simples, mais justes, qui décrivent bien les difficultés d’un couple.

La narration est elle-même très particulière, car elle mélange donc les souvenirs du narrateur, qui nous raconte ce qu’il s’est passé et ce qu’il a vécu, mais également les textes qu’il écrit et qu’ils jouent, comme une pièce de théâtre. Ainsi, les vérités s’entrecroisent et nous découvrons petit à petit que cette mise en scène devient leur propre réalité, au point de ne plus pouvoir s’en séparer, qu’elle devienne nécessaire à leur couple. Après qu’Agnès l’ait informé de la nouvelle, le narrateur ne cessera de modifier son histoire, en y ajoutant un bébé à l’équation, quand bien même il l’avait totalement refusé. Ainsi, il s’imagine dans cette vie de couple, unie par cet enfant, car ce serait ce qui permettrait de les relier. Ce que se refuse pourtant le narrateur. Alors, la fiction devient préférable pour chacun des personnages, quitte à prendre à la lettre le récit du jeune homme et terminer ce roman, d’une part, de manière très surprenante, mais d’autre part, terriblement évidente.

Pour conclure, c’est un livre que j’ai beaucoup apprécié, d’une part, car l’histoire était très touchante, mais également par le fait que la narration s’entrecroise avec les souvenirs et les textes que le narrateur écrit pour Agnès. Cela donne une profondeur au récit, qui sans cela, aurait été un peu moins émouvant.

Les personnages principaux sont très attachants, car est facile de s’y identifier. L’histoire de leur rencontre est vraiment attendrissante. En somme, une belle histoire de tristesse.

Informations générales

Éditeur : Christian Bourgois éditeur

https://bourgoisediteur.fr/catalogue/agnes

Date de parution : 1998

Prix indicatif : Fr. 12.10

Nombre de pages : 177 pages

Supplément

Le Temps en parlait en 2000 : https://www.letemps.ch/culture/livres-peter-stamm-tisse-une-histoire-damour-mort

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