Quatrième de couverture
Lo, 20 ans, a besoin d’un job pour payer son loyer. Douze heures par jour, elle attend les habitués à la réception d’un fitness. En vrai, elle attend qu’on lui foute la paix, mais elle sait déjà que la paix, ce n’est pas pour les filles de vingt ans. Alors elle mord la première.
Avis
Lorsque je l’ai trouvé en librairie, la quatrième de couverture m’a tout de suite sauté aux yeux et, je dois dire, conquise rien que par son ton. D’ailleurs, il m’a fait penser un peu aux livres de Virginie Despentes, qui a aussi cette langue abrupte et directe.
Dans ce nouveau roman, nous suivons donc une jeune femme, Lo, contrainte de travailler à côté de ses études, pour payer son loyer, car elle a décidé de quitter le confort familial. Elle décroche alors un job de réceptionniste dans un fitness et passe 12 heures de sa journée à attendre que les clients viennent.
Ce livre est relativement court (65 pages), mais va droit au but: l’autrice aborde beaucoup de sujets de société, qui sont chacun mis actuellement sur le devant de la scène: du « bullshit job », comprenez ce travail qui est finalement totalement inutile, au harcèlement de rue, en passant par la précarité étudiante (on se rappelle de ce jeune étudiant qui s’était immolé pour lancer un cri d’alerte sur la précarité étudiante en France, en novembre 2019) et de l’importance de son image dans notre société (regardons les magazines féminins et le culte du corps parfait mis en avant sur les réseaux sociaux), tout y passe!
Mais surtout, Lolvé Tillmanns fait le portrait d’une jeune femme qui ploie sous les regards de la société et crie son ras-le-bol général. Sur le fait que le corps d’une femme ne lui appartient pas totalement, mais plutôt à ceux qui vont le regarder et donc qu’il a tout intérêt à être désirable, qu’il ne devient finalement plus qu’un objet. D’ailleurs ce sentiment est d’autant plus présent que Lo travaille dans un fitness, le temple moderne du bien-être et de la transformation. Un endroit dans lequel on se modèle à l’image parfaite de soi-même, mais surtout au regard des autres. Par ailleurs, Lolvé Tillmanns pointe également l’utilisation de l’apparence pour les ventes. Dès que Lo rencontre son futur employeur, elle est jugée sur son physique, afin de savoir s’il lui permettra de vendre suffisamment d’abonnements, d’attirer assez de clients. On comprend alors qu’elle ne sera utilisée que comme « plante verte », quand bien même son patron lui répète qu’elle est intelligente. Intelligente oui, car elle sait pertinemment pourquoi elle a été choisie. Et on le voit notamment dans cet extrait :
Plein été, 10 heures du mat, évidemment personne ne vient courir sur des tapis de caoutchouc.
Aucun client, Luigi me regarde de l’extérieur et de tous les angles de la salle. Je cherche quoi faire de mon corps, je ne peux pas m’asseoir, c’est interdit, mais je pourrais facilement glisser mon livre de bio sous le comptoir et réviser tranquille, il me faut juste attendre que la couette bouclée se barre.
– Continue comme ça, c’est exactement ce que je veux.
Que je reste sur mes deux pieds sans rien foutre ? Loyer, loyer, loyer !
– Ok Luigi
– N’oublie pas de sourire et ne t’habille jamais en tenue de sport, baskets interdites, pas de seins à l’air ou de minishort non plus, haut de gamme, tu vois ?
Faire bander mais discrètement. LO-YER !
– Ok Luigi.
– Ralph avait raison, t’es une fille intelligente, tu sais ce qu’il faut faire. Continue comme ça, je suis très content.
Le personnage de Lo est très fort et intelligent. Parce que lorsque nous regardons les dialogues, nous entendons la voix d’une jeune femme calme, posée, qui suit les règles du jeu. Mais quand nous sommes confrontés à ses pensées, c’est le feu, c’est le sang, c’est la révolution ! Nous entendons sa colère contre notre société actuelle, contre les règles qui nous sont imposées, tout ce qui nous anime ou animait à 20 ans. Nous percevons donc cette colère grandissante, mais également toute la déception qu’elle a de la vie. C’est pour moi un personnage complexe et très attachant, qui parle avec justesse des relations avec autrui.
Car dans ce livre, même si Lo semble être un personnage relativement indépendant et solitaire, elle fait la rencontre de beaucoup de personnes dans ce fitness. Des hommes, qui ne s’intéressent qu’à son physique, mais également un jeune garçon, qui nous montre aussi la pression que les jeunes hommes subissent, tout ce culte des corps musclés et virils.
Ainsi, vous l’aurez compris : en peu de temps, nous faisons le tour de nombres de problèmes de la société, notamment ceux qui tournent autour de l’image du corps et du désir.
Enfin, autant j’aime les romans lents, où l’on prend son temps, autant j’ai adoré ce nouveau roman de Lolvé Tillmanns, pour son ton dur, direct, mais surtout par tous les sujets qu’il aborde en seulement une soixantaine de pages. On sort de cette lecture avec une claque au visage, tant par les vérités qu’elle soulève que par le langage de la jeune Lo. Je vous le conseille vivement !
Informations générales
Editeur: BSN Press
Date de parution: mars 2020
Prix indicatif: Fr.15.-
Nombre de pages: 65