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Banana Spleen – Joseph Incardona

Quatrième de couverture

J’ai dribblé les décorations de Noël installées le long du trottoir, poussé la porte du café des Arts. J’ai déchiré la cellophane du paquet neuf, entamé une première cigarette. C’est peut-être ça le secret de l’endurance : l’habitude. »

On m’a posé la question du titre : pourquoi Banana Spleen ? Il fait moins allusion à un dessert qu’à une fameuse pochette de disque du Velvet Underground, créée par Wahrol en 67. C’est le point de départ : un spleen mâtiné de culture pop. L’amour, le désir, la pulsion de mort, la chute, la résilience. Autant d’écueils et de grandeurs dans le parcours d’André Pastrella confronté à une société normée, intransigeante, consommatrice au point d’en absorber l’individu. Restent l’homme et ses passions, sa nécessité de se confronter au réel. Maladroitement, ingénument, aveuglément. Je n’aime pas les adverbes, alors voici un récit de vie sur la soif d’exister.

« Après Le Cul entre deux chaises (2014) et Permis C (2016), André Pastrella, l’alter ego de Joseph Incardona, a pris de la bouteille. Ce qui ne signifie pas mettre de l’eau dans son vin. »

Présentation

Le personnage d’André Pastrella revient dans cet ultime roman, qui vient clore la trilogie de Joseph Incardona. Après avoir suivi son adolescence de jeune italien immigré dans Permis C et ses vingt ans tumultueux dans Le Cul entre deux chaises, André Pastrella semble enfin avoir trouvé un certain équilibre dans sa vie, grâce à son travail d’enseignant, l’écriture et surtout Gina, sa compagne. Alors que tout semble aller pour le mieux, enfin, Gina décède subitement d’un accident de la circulation, brisant ainsi le fragile écosystème qu’avait réussi à construire André. Il se plonge au début corps perdu dans la religion, avant de tomber au fond du gouffre et tenter de s’en sortir grâce à l’écriture de son roman. Enchaînant histoires de drague dans des bar et strip clubs, sa rencontre explosive avec Judith le changera.

Tout au long de cette trilogie, nous suivons cet anti-héros qu’est André Pastrella, qui est à la recherche d’une seule chose : trouver sa place dans une société qui le méprise, au début pour ses origines, par la suite par son statut social. Cette société nous est décrite avec ce ton terriblement cynique et cru, qui est la marque de fabrique d’Incardona. Mordre avant d’être mordu. Et pour répondre à cette quête que se lance André, l’écriture est le fil rouge de ces romans. Un joli parallèle que nous pourrions voir entre la vie de l’auteur et son personnage, faisant de l’écriture le fil conducteur de leurs vies respectives.

Dans ce roman, l’auteur a choisi de séparer ses chapitres justement avec les titres de nouvelles qu’André écrit, tout en veillant à ce que les titres correspondent à ce que vit son personnage. Des nouvelles liées, formant en tout ce roman. Une belle mise en abyme !

Le rythme du récit est rapide, parfois presque un peu trop et l’auteur nous permet dans la folie des évènements qu’il impose à son personnage. Ne tentez pas de sauter des lignes, vous serez perdu dans l’histoire !

Incardona semble prendre un plaisir fou à faire de la vie de son personnage un véritable enfer, ne lui laissant aucun moment de répit. A peine André se relève-t-il un tant soit peu qu’un nouvel évènement vient l’enfoncer plus bas qu’il n’était à la base. Et c’est ce qui fait, selon moi, la richesse de ce roman et même de cette trilogie : le chemin de la rédemption ne se fait pas en ligne droite, d’un point A à un point B. André essaie, tente, se casse la gueule, recommence, refait les mêmes erreurs et apprend. Et cette narration, même si les évènements qui arrivent à André sont exagérés, ce roman reflète relativement bien la reconstruction d’une personne. Des hauts et des bas, mais pas une ligne droite qui continue de croître sans fin. Un roman d’apprentissage parfois un peu extrême, mais somme toute assez réaliste.

Ma tête résonnait encore de la conversation précédente quand le téléphone a sonné de nouveau :

Prévoyance Obsèques, Coralie à l’appareil.

Bonjour, Coralie, je me demandais justement ce que vous deveniez.

Avez-vous pris une décision pour le caveau, monsieur Pastrella ?

Je suis sur une piste.

Nous pouvons vous proposer une offre de reprise intéressante.

Le problème est en voie de résolution.

Ne tardez pas trop, monsieur Pastrella. Le règlement stipule que si vous ne faites pas installer ou ne prenez pas possession de votre bien dans les soixante jours suivant la signature du contrat, celui-ci redevient la propriété de Prévoyance Obsèques.

Combien de temps il me reste ?

Une semaine.

J’ai posé le combiné, débranché la prise téléphone avant qu’on ne coupe la ligne à minuit, Oui, c’était ça le style : faire au mieux avec ce qu’on a.

Ainsi, c’est avec beaucoup de plaisir que j’ai découvert Joseph Incardona grâce à son alter-ego d’André Pastrella. Un personnage haut en couleur, ne craignant pas pour un sou l’autorité et faisant du mieux qu’il peut pour avancer dans sa vie. Un peu ce que tentons de faire, chacun à sa manière.

Informations générales

Éditeur : BSN Press

http://www.bsnpress.com/banana-spleen/

Date de parution : 2018

Prix indicatif : Fr. 28.–

Nombre de pages : 320 pages

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